Vous vous rappelez du clip Shoes ? Venez découvrir ce qu’est devenu son auteur aujourd’hui !
10 ans de « Shoes »: voici l’histoire du premier clip viral, betch
Le site Noisey a interviewé le chanteur qui a écrit le clip "Shoes". Nous avons traduit pour vous l'intégralité de ce pur moment de folie.
“Shoes.” ("Chaussures.")
boum boum boum
“Shoes.”
boum boum boum
"Shoes."
boum boum boum
“Oh my god... Shoes.” ("Oh mon dieu... Chaussures.")
Vous vous rappelez. C'était, dans une voix monotone, le cri de ralliement de Kelly, une adolescente dont les parents et le frère ne comprennent pas l'amour sans fin pour les chaussures. Se pavanant entre les boutiques , elle est le Ponce Pilate des chaussures à plateforme et à talons : "Ces chaussures gèrent", proclame-t-elle. "Ces chaussures craignent !"
Si elle trouve ce qu'elle veut, elle organise une fête autour de la piscine avec tous ses amis aux goût douteux.. Sinon, elle invoque une rage démoniaque, lançant un gang de personnes féroces équipées de hula hoop sur quiconque tante de freiner son obsession pour les chaussures, et vous traitera de "betch" (bitch = pute).
Source photo: Liam Kyle Sullivan
Cette vidéo s'appelait "Shoes", une espèce d'hallucination sous acide sur le thème de la passion pour la mode, qui a attiré l'attention de millions de personnes, et ce qu'on pourrait appeler la toute première vidéo virale d'internet.
Dans la vidéo, la colère des ados est poussée à l'extrême de façon comique. Les parents de Kelly sont une caricature des tuteurs non-compatissants, et vont plus loin que l'incompréhension. Ils détestent ouvertement leur fille maintenant qu'elle est en âge de recevoir des "con-dams" (condoms, préservatifs) pour son anniversaire. Décrire l'environnement familial de Kelly comme injuste serait un euphémisme. Ferri Bueller pensait que c'était injuste quand sa soeur a reçu une voiture et lui n'a eu qu'un ordinateur. Dans le cas de Kelly, son frère jumeau se voit offrir les deux et elle ne reçoit qu'on animal en peluche loufoque.
Quand elle se libère enfin, il n'est pas surprenant que sa liberté se transforme vite en une folie fête de consommation, d'hédonisme, et de rêves de revanche. Quelque chose comme le résultat de l'addition puberté-plus-PCP, "Shoes" séduit de par son absurdité, son côté stimulant et son électroclash aux airs d'hymne.
Durant ses 25 premières années d'existence, Internet a été marqué par toute une série de ruées vers l'or technologiques. Le "Boom de l'internet", la course pour devenir "Instagram famous" (célèbre sur Instagram), les "guerres du streaming" actuelles, tous ces phénomènes nous montrent comment nous évoluons actuellement dans le monde virtuel en ligne, bien qu'ils soient souvent le fruit de purs hasards. Un nouveau site ou une application est introduite, et personne ne semble savoir comment en tirer profit, jusqu'à ce que quelqu'un y trouve une précieuse pépite de notoriété virtuelle.
Les trois fondateurs de YouTube ont expliqué qu'ils cherchaient au départ à créer un endroit où les gens pouvaient facilement partager et accéder à des vidéos lourdes contenant des news (par exemple le glissement de téton de Janet Jackson et le tsunami dans l'Océan Indien en 2004). Mais en créant un outil grâce auquel chacun pouvait uploader ses propres vidéos et immédiatement atteindre un public mondial, le site est devenu sans le vouloir une façon de se promouvoir soi-même. Des vidéos "virales" à bas budget ont été la pépite d'or dans ce cas.
Le court-métrage numérique de SNL "Lazy Sunday" a été le premier clip vidéo à être un grand succès YouTube, en étant partagé des millions de fois durant le mois de décembre 2005. Mais comme il était produit par NBC et incluait deux stars de la télévision, c'était la façon d'y accéder qui était étonnante plus que sa popularité. A peine quelques mois plus tard, un clip vidéo auto-filmé et auto-produit appelé "Shoes" obtint la même popularité et annonça les véritables débuts de l'ère virale.
L'acteur Liam Kyle Sullivan a écrit, composé, édité, dirigé et joué le personnage de Kelly dans le clip de 4 minutes, et durant au moins un mois en 2006, c'était la seule chose dont on parlait à la cantine au lycée. Malgré de nombreuses versions postées par d'autres utilisateurs sur le site, et ce depuis des années, la version officielle de la vidéo "Shoes" (que Sullivan n'a postée qu'en 2007) a plus de 58 millions de vues. Connaissant le manque de règle et le style sauvage de YouTube sur ses premières années, le nombre de vues total est impossible à calculer, mais autant dire qu'il s'élève à bien plus de 58 millions.
Une décennie, de nombreuses autres vidéos de Kelly et une tournée nationale avec Magaret Cho plus tard, Sullivan a complètement pris sa retraite de sa célébrité YouTube, mais il profite toujours des capacités qu'il s'est apprises lui-même dans sa période Kelly. Noisey a pris de ses nouvelles pour se rappeler de Shoes, la genèse de Kelly, et l'aube des phénomènes viraux tels que nous les connaissons aujourd'hui.
Noisey : Quel était votre passé dans la comédie avant que vous ne commenciez votre chaîne YouTube ?
Liam Kyle Sullivan : Je faisais des sketchs amusants à l'Acme Comedy Theatre à Los Angeles, quelques pubs, quelques épisodes de Touche pas à mes filles. Puis j'ai commencé à faire ma propre émission en directe : un peu de stand up, quelques personnages, et je montrais des vidéos et chantais des chansons. La vidéo "Muffins" [un sketch absurde sur une pâtisserie à muffins qui en vend de toutes sortes, de celui à la myrtille à celui au trombone] est d'abord apparue dans mon émission parce que je ne connaissais pas encore YouTube. Je mettais mes vidéos sur mon propre site, et elles ont ensuite été postées sur YouTube par beaucoup, beaucoup de gens. Je ne pourrais même pas vous dire combien ça me faisait de vues, tout ça combiné. Quand j'ai fini par réaliser que je pourrais créer ma propre chaîne, je ne savais même pas à quel point mes vidéos étaient devenues populaires.
Noisey : Que vous rappelez-vous de YouTube à ses débuts ?
Liam Kyle Sullivan : C'était fou, c'était tout nouveau. Tout le monde criait là-dedans. Je me rappelle des premiers commentaires, c'était avant qu'on invente le mot "troller", et il y en avait des vraiment méchants, genre à un niveau illégal. La première vidéo que j'ai vue dessus était probablement une des miennes, "Muffins", ou "Shoes".
Source photo: Liam Kyle Sullivan
Noisey : Combien de temps après ça avez-vous décidé de créer votre propre chaîne ?
Liam Kyle Sullivan : Pas tout de suite, peut-être six mois après. J'étais lent. Je ne pouvais pas croire qu'il était gratuit de poster des choses, puisque je devais payer pour le serveur et le domaine de mon site, j'ai été lent à réagir parce que je n'avais pas d'argent.
Noisey : Je me rappelle être entré dans Best Buy à cette époque et avoir demandé où je pourrais acheter une licence iTunes à installer sur mon ordinateur.
Liam Kyle Sullivan : Ouais, je pense que notre premier instinct était encore de demander, pourquoi c'est gratuit ? Mais bon, il y a la pub.
Noisey : Comment avez-vous eu l'idée du personnage de Kelly, de sa famille ?
Liam Kyle Sullivan : Sa création a pris du temps. J'ai commencé par parler comme Kelly dans la voiture, à me balader en voiture et à crier "Ta gueule !" Je me rappelle de la première fois que j'ai joué son personnage en public, je n'avais pas son look, j'étais juste un gars qui faisait une voix bizarre. J'ai imaginé une ado qui avait des bagues, et qui devait tirer ses lèvres et tenir sa tête en arrière parce qu'elles étaient tellement lourdes. Ce sale caractère en est ressorti. Je ne vais en dire que quelques mots parce que c'est presque trop pour moi d'en parler. J'ai fait ce personnage à Acme et ça n'a pas marché, ce n'était pas drôle. Alors j'ai laissé tombé et je l'ai repris quelques année plus tard, quand je faisais du stand up, et ça n'a pas marché non plus. Je mets ça sur le compte du look : je n'avais pas la perruque ni les grosses lunettes. Je pense qu'une fois que j'ai eu tout ça, ça a marché. Mais je peux me tromper.
Une partie de sa famille vient de ma propre vie, parce que j'étais le plus jeune de la fratrie et ma soeur, qui n'est pas du tout comme Kelly, subissait des interdictions que moi je n'avais pas. Quand on est plus jeune, les parents font toutes les erreurs avec le plus grand, et avec le plus jeune ils sont plutôt "oh, tout va bien, laisse-le faire". Et quand on est une fille, on a peut-être un couvre-feu plus tôt que ce qu'aurait un garçon, ce genre de choses. Donc j'ai juste exagéré ça. J'ai créer des parents qui la détestaient ouvertement. La voilà, c'est une chose femme maintenant, et ils ne sont pas à l'aise avec cette idée. Mais le garçon, on lui achète un ordinateur, une voiture, tout ce qu'il veut.
La chanson me rappelle beaucoup l'electroclash qui étaient très populaire à l'époque. Vous aimiez ça ? Il est clair que j'ai été inspiré par Peaches, elle était très importante pour moi, tout comme les Chicks On Speed. Je me rappelle les avoir entendues et elles représentaient tout à fait cette attitude. Elles étaient expressives, mais n'en faisaient pas trop. Elles ne criaient pas et ne chantaient pas, elle parlaient juste tout le long.
Source photo: Liam Kyle Sullivan
Noisey : Qu'est-ce qui vous a fait réaliser l'ampleur qu'avait pris Shoes ? Est-ce que c'était quand cette présentatrice de la Fox l'a passée sur Good Day LA ?
Liam Kyle Sullivan : Je crois que oui. En fait, j'étais un grand fan de cette émission, ils étaient vraiment drôles. Ils passaient toujours des chansons populaires du top 40 en arrière plan, alors quand ils ont passé "Shoes", je me suis dit, wow. Ils en ont aussi passé un extrait sur TRL, et ils n'avaient pas l'air de trop savoir pourquoi ils le passaient. Genre "C'est quoi ça ?" C'était quand YouTube était encore quelque chose de nouveau. Les gens en entendaient encore parler pour la première fois.
Noisey : Est-ce que c'était votre but de départ de faire plusieurs vidéos de Kelly ?
Liam Kyle Sullivan : En réalité non. J'avais écrit quelque chansons, ce sont mes amis qui avaient du me convaincre de filmer une vidéo pour "Shoes", mais je ne savais pas du tout que j'allais faire plusieurs choses avec elle. A un moment je lançais juste mes idées en me demandant "qu'est-ce que je pourrais faire d'autre avec Kelly ?"
Noisey : Si vous ne démarriez que maintenant avec Kelly, 11 ans après la naissance de YouTube, est-ce que vous changeriez quoi que ce soit ?
Liam Kyle Sullivan : Quand je regarde ce qu'est la comédie sur YouTube aujourd'hui, je vois que c'est fait de beaucoup de jeux, de challenges et de collabs, il y a une façon de faire qui n'est pas uniquement jouer des sketchs ou chanter des chansons. Avant, je faisais une vidéo tous les 6 mois, comme des courts-métrages, avec plusieurs jours de tournages à différents endroits. Je ne savais pas du tout que quelqu'un serait intéressé par ce que j'aurais à dire à part, vous savez, "Shoes !" Quand je regarde les vidéos des autres, maintenant, je me dit non non non, ils ne peuvent pas juste parler à leur public, je n'ai jamais vraiment compris ça. Vous ne pouvez pas produire une vidéo virale chaque semaine, mais vous pouvez être célèbre dans une niche particulière, et apparemment c'est une façon d'en vivre. Je pense que je ferais plus attention à où est ma place et comment je pourrais faire ce que j'aime faire. Je m'adapterais mieux si je devais le refaire.
Noisey : Dans quelle mesure avez-vous vu les vidéos virales changer au cours de la dernière décennie ?
Liam Kyle Sullivan : Et bien, la dernière vidéo virale dont je me souvienne était "Gangnam Style", et c'est vieux de quelques années maintenant. Tous les deux ans environ, une vidéo énorme sort et tout le monde doit la voir, mais je me rappelle quand les marques les approchaient "re-devenez virale... pour nous !" Mais ça ne marche pas comme ça. Le viral est... J'en sais rien. Je suppose qu'il y a une recette, mais je ne saurais pas vous dire ce que c'est.
Source photo: Liam Kyle Sullivan
Noisey : J'ai l'impression que le mot "viral" n'est plus vraiment d'actualité, surtout maintenant avec Vine.
Liam Kyle Sullivan : Ouais, l'autre jour j'étais avec mes amis et j'ai demandé : "Les gars, je peux vous poser une question bête ? Vine, c'est une site ou une application ? C'était comme vous avec iTunes. Les blagues de 6 secondes sont amusantes, mais je ne sais pas, est-ce qu'on peut vraiment dire qu'elles sont virales ? Je ne sais même pas comment on fait pour partager un Vine à moins d'avoir l'application. Mais les Viners font très fort. Ce sont des fortunes, des célébrités, qui se forment doucement. L'autre jour, j'ai vu une affiche dans Los Angeles pour [la personnalité YouTube] Grace Helbig, et je me suis dit, putain, il était temps. On est en 2016, elle aurait du avoir une affiche il y a 5 ans. Elle a un public énorme, ses audiences sont meilleures que celles des émissions du câble, mais on en parle encore peu.
Noisey : Qu'est-ce que vous faites depuis que avez arrêté de poster des vidéos sur YouTube ?
Liam Kyle Sullivan : J'ai un vrai métier ! Enfin, à peu près. Je suis un monteur vidéo, et c'est quelque chose que je me suis auto-appris du temps de Shoes. je montais toutes mes vidéos moi-même, donc j'ai réussi à acquérir cette compétence et je remercie le créateur pour ça parce que je n'ai aucun idée de ce que je pourrais faire d'autre. Mais je passe aussi de nouveau des auditions, je regarde ma chaîne et je me demande ce que je pourrai en faire, mais dans une moindre mesure. J'ai une fille maintenant, et je me suis marié. Je suppose que j'ai grandi. Des fois je regrette le temps où je faisais des tournées à travers le pays et tout ça, mais c'est aussi génial d'avoir un métier. Je me produis encore devant une audience de temps en temps.
Par rapport à Kelly, les gens m'ont envoyés différents idées. Et si Kelly avait 42 ans, et elle avait grandi et eu de enfants à son tour, ça serait comment ? Ou mets juste une fine couche de gaze devant les lentilles et ré-essaie ! Je ne sais pas, on verra. Peut-être que ce sera quelque chose d'animé, ou juste des peintures. Peut-être que je pourrais faire dans le graffiti.
Noisey : Et le visage de Kelly se mettrait à apparaître sous les autoroutes de Los Angeles.
Liam Kyle Sullivan : Ouais, comme Obey, mais il y aurait juste marqué Shoes.
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