Dans notre monde, il existe trois états physiques : solide, liquide et gazeux. Si je devais définir ma petite copine avec l'un de ces états, ce serait l'état gazeux, sans hésitation. Et je ne le dis pas pour me moquer, mais plutôt avec fierté.
Cela fait maintenant 3 ans que Laura et moi nous sommes rencontrés et c'est vraiment une fille géniale : elle est douce, gentille, drôle, elle rit tout le temps et ceux qui la connaissent disent d'elle qu'elle a un grand coeur.
J'ai l'impression que tous ceux qui la rencontrent tombent amoureux d'elle mais c'est moi qui ait la grande chance de la connaitre dans l'intimité la plus totale. Je crois que jamais je ne voudrais me séparer d'elle.
Il était une fois...
Tout a commencé dans l'un des lieux les plus sordides du monde : une salle de musculation ! A l'époque, j'étais en train de passer les concours pour devenir enseignant et j'avais pris quelques kilos. Je m'étais donc inscrit un peu à contre-coeur dans une salle de sport afin de faire fondre mon petit bide avant l'été.
Le premier jour où j'y suis allé, je me suis senti complètement perdu. Je ne connaissais rien aux machines, la musique qui passait en fond était ridicule, l'odeur de transpiration et d'hormones était insupportable... Les super-héros qui m'entouraient dans cette salle semblaient déjà bien se connaitre. Ils discutaient entre eux et se donnaient du courage et moi, je n'avais qu'une envie, fuir ! Mais j'avais payé, j'étais là, je devais me remotiver.
J'ai donc commencé à venir, assez régulièrement, sans jamais oser adresser la parole à qui que ce soit. Un jour où je terminais mes exercices, j'ai levé les yeux et vu une jeune fille au fond de la salle, en train de faire du vélo d'appartement sur la machine la plus éloignée. Seule, le nez en l'air, elle semblait différente des autres.
J'en étais sûr, elle n'aimait pas plus ce lieu que moi. Prenant alors mon courage à deux mains, je me suis installé sur le vélo juste à côté d'elle, afin d'engager la conversation. Mais au moment où elle s'est aperçue de ma présence, elle s'est levée et elle a filé, me laissant de marbre.
Une semaine plus tard, je l'ai recroisée en sortant des vestiaires et elle est venue me parler :
- Désolée pour la dernière fois. Quand tu es arrivé, je devais m'en aller. En plus je n'aime pas faire du sport à côté de quelqu'un. Mais tu as l'air de quelqu'un de gentil et je tenais à m'excuser.
Le sourire qu'elle m'a lancé en me quittant m'a donné un espoir. Et quelques jours plus tard, en la voyant faire du vélo comme chaque semaine, j'ai pris mon courage à deux mains et me suis approché d'elle pour l'inviter à boire un café. Arrivé à quelques pas d'elle, j'ai réalisé qu'elle portait ses écouteurs et qu'elle ne m'entendrait pas. Et à ce moment-là, je l'ai vu décaler un peu ses fesses et lâcher un pet sonore avant de reprendre le sport comme si de rien n'était...
Hésitant entre éclater de rire et rebrousser chemin, je suis resté bêtement sur place. Elle s'est aperçue de ma présence et est devenue toute rouge.
- Mon Dieu, excuse-moi, je ne savais pas que tu étais là ! La honte... En fait j'ai un souci de santé, j'ai des gaz quand je fais du sport, c'est pour cela que je me mets à part et que je préfère rester seule...
Les traumatismes du passé
On ne se connaissait pas encore et je l'avais déjà entendu péter. On grillait les étapes par rapport à un couple normal. Mais cet événement avait eu le mérite de détendre l'atmosphère entre nous. Quelques jours plus tard, en sortant de la salle de sport, on est partis boire un verre, comme je l'espérais. Et c'est là que j'ai compris que Laura m'avait menti.
Des gaz quand elle faisait du sport ? Mensonge, elle avait des gaz tout le temps.
- Tu veux une bière ?
- Je ne peux pas, ça me donne des gaz.
- Tu veux dire, encore plus de gaz ? lui dis-je avec humour.
- Sérieusement, tu n'imagines pas à quel point c'est dur de vivre dans mon corps...
A part ce petit moment gênant, on avait vraiment passé une belle soirée. On a ri, on a parlé sérieusement, je me sentais parfaitement bien avec elle. Laura aussi voulait devenir enseignante, mais elle a finalement changé d'avis à cause de son souci. Du coup, elle s'était mise au sport avec sérieux pour devenir prof de fitness, espérant que le son assourdissant des salles de sport couvrirait son petit problème de transit. C'est là que j'ai commencé à me rendre compte du handicap que cela représentait.
Peu à peu, on a commencé à se fréquenter de plus en plus, à sortir avec nos amis respectifs, à nous appeler sans arrêt, à faire du sport ensemble...
On est tombés amoureux l'un de l'autre. Et le jour est venu où mes parents ont voulu la rencontrer. Cette annonce a mis une pression énorme sur les épaules de Laura. Et le stress n'arrangeait pas ses problèmes gastriques...
La révélation
Le jour J, on a pris ma voiture et on s'est mis à rouler jusqu'à chez mes parents, qui habitent en banlieue. Sur le trajet, Laura a voulu me parler :
- Paul, je suis vraiment anxieuse pour ce soir, je ne sais pas si j'arriverai à me retenir toute la soirée.
Je la rassurai, lui expliquant que tout allait bien se passer et qu'elle n'avait vraiment pas à s'en faire. Et c'est là qu'elle s'est mise à pleurer.
- Paul, je suis désolée, je ne t'ai pas tout dit sur mon passé...
Comme je vous l'ai déjà dit, Laura est l'une des plus belles personnes au monde. Sa beauté est intérieure et extérieure, et si elle m'avait menti, c'était seulement à cause d'une de ces peurs idiotes qu'on n'arrive pas à dépasser. Et tandis qu'on arrivait à proximité de chez mes parents, elle me révélait enfin cette histoire qui la torturait depuis plusieurs mois et qu'elle n'avait jamais osé m'avouer :
- Il y a cinq ans, j'ai eu un petit ami, le genre de mec parfait dont toutes les ados tombent amoureuses. Mais ça a été une vraie torture pour moi de sortir avec lui. Pour lui, tout n'était qu'apparence et lorsqu'il a réalisé que j'avais des problèmes d'estomac, il m'a forcé à me retenir, dès que j'étais avec lui. Il m'a même obligé à prendre des médicaments sauf que mon corps a mal réagi et j'ai terminé à l'hôpital. C'est pour cela que ma maladie est devenue incontrôlable. Depuis ce temps, j'ai essayé de cacher mon problème, de me cacher... Jusqu'à ce que je te rencontre. Et je n'ai vraiment pas envie faire mauvaise impression à tes parents...
- Tout va bien se passer. Je n'ai rien avoir avec ce type, et mes parents sont géniaux, tu verras.
Une fois chez eux, mes parents ont adopté Laura en quelques instants. On a parlé de tout et de rien, on a mangé un peu et bu du vin, dans une ambiance chaleureuse.
Tout à coup, le chien de la famille s'est approché de Laura. Naturellement, elle s'est penchée pour le caresser et a laissé filer un pet bruyant, impossible à camoufler aux oreilles de mes parents et de mon frère.
C'est là que j'ai pris une décision : plutôt que de feinter l'ignorance ou de lui dire quelque chose du genre "ce n'est rien ma chérie", j'ai à mon tour lâché un pet retentissant ! Laura a commencé à me regarder avec des yeux ronds comme des soucoupes avant de se mettre à rire de bon coeur.
Mon frère et moi, on a également explosé de rire comme des gamins et mes parents ont très vite rejoint le mouvement. Et entre rires et larmes, Laura s'est mise à raconter à ma famille son petit souci gastrique, enfin libérée de ce que ma famille pourrait en penser. Elle était tellement heureuse que tout le monde l'ait pris ainsi.
Depuis ce jour-là, elle a vraiment changé son regard sur elle-même.
Pourquoi cherchons-nous toujours à cacher ce que nous sommes vraiment ?
Pourquoi transformer en tabou ce qui est naturel ?
Si le monde se divise entre solide, liquide et gazeux... Moi, je choisis Laura !
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