Le Blue Whale Challenge (défi de la baleine bleue) se passerait ainsi : en 50 jours, il faudrait réussir 50 petits défis. Au début, ce sont des petites choses faciles et amusantes, mais peu à peu, on dérive dans le glauque, jusqu'à la dernière étape : un suicide, pur et simple !
Ton mec t’a larguée ?
T’en as marre du collège ?
Tu es souvent sur VK ?
Et personne ne t’écrit ?
Jette un œil dans mon Obscurité, il y a quelque chose pour toi là-bas.
Voici l'extrait d'un post publié sur un "groupe de la mort" du réseau social russe VKontakte. Le groupe (aujourd'hui fermé) s'appelait Réveille-moi à 4h20. Il a compté jusqu'à 230 000 abonnés. Sur ce groupe, on trouvait ce genre d'invitations innocentes, qui cachaient en réalité une réalité terrifiante :
Tu es une fille ? Tes amis t’ont trahie ? Ton mec t’a larguée ? Tu écoutes souvent des musiques tristes ? Alors rejoins le groupe "Les baleines voguent vers le haut".
De nombreux groupes fermés de ce réseau social comportaient le mot "baleine", un animal connu pour s'échouer volontairement sur les plages. C'est pour cela qu'on a donné au phénomène le nom de "Blue Whale Challenge".
Certains utilisent aussi le symbole du "papillon", un animal qui ne vit qu'une seule journée...
Source photo : Novaïa Gazeta
Ces groupes sont des "suicide clubs". D'une façon ou d'une autre, ils poussent ses membres à passer l'arme à gauche. Les membres sont jeunes, souvent en pleine adolescence, fragiles psychologiquement et ils veulent prouver quelque chose, par exemple en passant à l'acte.
L'exemple de Rina
En novembre 2015, la jeune Rina s'est suicidée en s'allongeant sur les rails de chemin de fer, en Sibérie. Immédiatement, la photo de son corps a circulé sur le net. Sur les "groupes de la mort", Rina est rapidement devenue un symbole, une héroïne, un exemple.
Rina, t’es la meilleure !, qu’est-ce que je regrette de ne pas t’avoir connue, tu es mon héroïne, je t’aime, tu as de ces yeux…
Source photo : VK
Comme le documente la journaliste Galina Mursalieva, qui a enquêté pendant plusieurs mois sur le phénomène et qui a rencontré les parents de nombreuses victimes, les enfants qui se suicident sont rarement dans une situation sociale précaire : l'essentiel du mal-être de ces ados vient de problématiques adolescentes banales, comme le corps qui change, les premiers amours, les notes à l'école, etc.
Et d'odieux petits malins utilisent ces fragilités pour d'obscures raisons...
Pourquoi transforment-ils le suicide en acte héroïque ? Pourquoi ces personnes prennent du plaisir en conseillant le suicide à ces adolescent(e)s en perte de repères ? Et comment peuvent-elles assumer de documenter ces morts ? Car les vidéos de jeunes filles se jetant de plusieurs étages ou passant sous les roues d'un train se multiplient en Russie et tournent sur ces groupes de la mort...
Créer l'addiction pour jouer avec la mort
Sur les groupes de suicide de VKontakte, on trouve des instructions et des incitations très précises : "Retirez votre manteau avant de sauter." "Il vous reste 38 jours sur 50". "Balance-toi d'une tour."
Le témoignage d'une maman de victime ayant réussi à deviner le mot de passe de sa fille et à s'introduire dans l'un de ces groupes en effarant. Elle explique qu'elle a rapidement été invitée dans des dizaines de groupes privés destinés au suicide et que de nombreuses personnalités du groupe - toujours sous des noms anonymes - l'ont explicitement poussée à passer à l'acte.
Se demandant comment sa fille avait pu tomber dans le panneau, elle a remarqué que ces groupes créaient de l'addiction en fonctionnant comme de véritables jeux de piste : pour évoluer, il faut avancer étape par étape, faire ses preuves, et réussir les 50 défis :
D'abord trouver le groupe. Puis comprendre les messages, souvent codés. Puis envoyer ses propres textes ou dessins. Ensuite, envoyer des photos de ses entailles et/ou cicatrices. Poser une question, remettre en doute le scénario, et vous vous retrouvez banni. L'engrenage est lancé, et on connait déjà comment l'histoire se termine.
Entre novembre 2015 et avril 2016, plus de 130 enfants se sont suicidés en Russie. La plupart ont été influencés par ces clubs de suicide. Le phénomène est inquiétant. Pire : monstrueux, malsain.
Source photo : dr
Il faut en parler pour trouver les responsables. Il faut en parler donner du crédit aux enquêteurs et aux parents qui ont compris comment ce système fonctionnent et qui alertent les autorités en avance, souvent sans résultat.
Il faut surtout se poser des questions sur notre société qui se déshumanise et ne semble plus apporter aux jeunes générations le bonheur et la confiance nécessaires à leur épanouissement.
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