Vous allez pouvoir savoir si vous êtes vous-même un bobo parisien
Le concept de "bourgeois-bohème", ou bobo, est apparu dans les années 80 sous la plume du journaliste David Brooks, auteur du livre Bobos in Paradise, qui dépeint l'apparition d'une nouvelle forme de bourgeoisie dans le coeur des grandes villes américaines et européennes. L'auteur désigne à travers ce terme l'évolution et la transformation des yuppies des années 1980, qui se mettent à rejeter les codes et le mode de vie de la bourgeoisie traditionnelle, au profit des métiers de l’information et d’une société post-moderne où les élites refusent de se concevoir comme telles. Les bobos s'efforcent ainsi de revisiter la figure de la bourgeoisie pour en ringardiser définitivement l’inspiration aristocratique et la vision anti-prolétarienne.
Au-delà de l'analyse sociologique d'une classe aux contours parfois flous et difficiles à cerner, on a toutefois appris, depuis quelques années, à reconnaître dans les bobos un type de personnes dont le mode de vie nous semble à la fois familier et facilement identifiable.
C'est particulièrement le cas à Paris, où se sont mis, en quelques années (grosso modo depuis l'arrivée de Bertrand Delanoë à la mairie de Paris), à pulluler les brunchs, les commerces alimentaires bio, les Vélibs, et autres lofts retapés dans le 11e arrondissement. Alors si vous avez encore un doute sur votre propre identité bobo (ou non-bobo), on vous propose 15 signes qui permettent de différencier à coup sûr le bobo de celui qui ne l'est pas !
1. Le bobo vote à gauche, mais place son argent à droite
C'est un peu le dilemme, ou l'équilibre difficile à réaliser pour le bobo, qui reste malgré tout un bourgeois, et s'efforce de vivre d'une manière confortable, de se trouver un travail rémunérateur et porteur, de donner à sa progéniture l'éducation qui lui permettra de réussir dans l'existence, et de conserver un niveau de vie au moins égal à celui de ses parents. Le bobo vote à gauche (la gauche socialiste principalement), prétend défendre l'égalité des conditions sociales (alors que sa démarche individuelle montre plutôt le contraire), réhabilite les quartiers populaires de la capitale en s'y installant avec sa famille (en négligeant toutefois le fait qu'il contribue à élever le niveau moyen des loyers de ces quartiers), mais sans aller toutefois jusqu'à envisager que ses enfants deviennent eux-mêmes des prolos.
Comme on le voit, le subtil compromis entre la part de bohème et celle de bourgeoisie est difficile à faire chez le bobo ! Gardons-nous toutefois de faire son procès, comme bien d'autres n'ont pas manqué de le faire à notre place (principalement dans les rangs de la droite), car le bobo semble porté par des idéaux très respectables d'égalité, de brassage culturel et de tolérance ethnique. Il a toutefois du mal à être toujours en harmonie dans sa vie et sa manière d'agir avec ces idéaux très exigeants.
2. Le bobo est le petit prince de la "société de l'information"
Alors que la bourgeoisie traditionnelle a trouvé la voie de sa réussite dans un secteur économique plus classique (banque, industrie, assurance, commerce), le représentant de la nouvelle bourgeoisie a résolument embrassé la voie de la modernité, et est entré de plein pied dans le 21e siècle en se faisant, informaticien, chargé de com', journaliste, ou vendeur de produits bio. Il peut aussi avoir suivi un cursus plus culturel et plus intellectuel, pour devenir professeur (mais de préférence à l'université). Le bobo est finalement l'homme nouveau, au coeur de la 3e grande révolution économique de la civilisation occidentale (celle de l'information et de la tertiarisation des activités économiques), après celle du charbon, puis du pétrole et de l'électricité.
On peut comprendre son intérêt pour les échanges et son rêve d'un monde rendu plus humain et plus tolérant grâce à internet et aux smartphones. Cependant, il a négligé le fait que ces technologies peuvent aussi être mises au service du terrorisme et de la barbarie, et que leur apparition a aussi créé une fracture (la fameuse "fracture numérique",) entre les détenteurs d'un savoir d'utilisation et ceux qui en sont dépourvus.
3. Le bobo est un adepte de la fête et de la "société conviviale"
Le concept de convivialité, empruntée au philosophe Ivan Ilitch, a été quelque peu galvaudé, mais il continue de désigner malgré tout l'idée de rapports sociaux plus humains et moins conflictuels, fondés sur la tolérance et la curiosité pour l'autre. Mais le bobo a abandonné ainsi l'utopisme d'une société sans classes de type communiste, au profit d'une éthique de bon aloi (qui n'engage finalement pas à grand chose et évite les bouleversements sociaux trop dérangeants pour lui), et il considère que ce sont à la fois les nouvelles technologies et les grands rassemblements festifs et populaires qui permettront de parvenir à l'harmonie universelle.
En dépit de la naïveté de la chose (qu'un écrivain tel que Philippe Muray n'a pas manqué de railler), on peut trouver une concrétisation de cette idée dans la multiplication des fêtes organisées par la municipalité parisienne depuis quelques années, dans la lignée de la Fête de la musique créée par Jack Lang en 1982. Fête des voisins, fête du pain, fête du roller, Nuit Blanche et que sais-je encore, la fête (mais aussi les pique-niques géants sous le ciel estival) semble être particulièrement aimée du bobo, qui y voit un facteur de mixité sociale et d'entente entre les individus.
3. Le bobo aime la mixité sociale (mais pas trop quand même...)
On l'a vu avec la fête, mais aussi avec la société de l'information, le bobo n'est pas blasé, cynique et pessimiste comme son frère, le bourgeois classique : il croit encore à la possibilité d'amener plus d'égalité, de bonheur et de fraternité au coeur de la société. Il milite le plus souvent dans des associations qui défendent l'égalité ou viennent en aide aux plus démunis, il vote à gauche, il défend le droit des "minorités opprimées" tels que les homosexuels, les migrants syriens ou irakiens, ou les minorités linguistiques (sans oublier les indiens de la forêt amazonienne, chers à Sting).
Toutefois, le naturel bourgeois du bobo revient souvent au galop, et il préfère tout de même mettre ses enfants dans l'école privée qui lui évitera de côtoyer de trop près la racaille de son quartier, il tonne contre les pique-niques trop bruyants qui se tiennent en bas de chez lui en été (notamment sur le canal Saint-Martin), et pétitionne contre les allées et venues nocturnes des prostituées en bas de chez lui, lesquelles n'auront plus que les trottoirs du périphérique intérieur ou les allées sombres du bois de Boulogne pour exercer leur activité. Le bobo est pour la mixité, mais dans les limites du raisonnable, tout de même !
4. La ruée vers l'Est du bobo
On connaît la ruée vers l'Ouest des immigrés américains venus d'Europe, en espérant atteindre la terre promise de la réussite économique et de la tolérance religieuse. Le bobo aussi connaît sa ruée, mais c'est plutôt vers l'Est parisien qu'elle se situe. Depuis environ 15 à 20 ans, les bobos ont conquis les arrondissements de la capitale considérés jusque là comme populaires : le 19e, le 20e, le 11e, le 12e et même le 13e. C'est d'ailleurs là que la gauche parisienne a trouvé son fief, et Bertrand Delanoë peut dire merci aux électeurs de ces arrondissements, qui ont fait penché la balance électorale à gauche depuis 2001.
L'arrivée de ces nouveaux habitants, souvent bien nantis, a contribué à réhabiliter ces quartiers parfois laissés à l'abandon, ce dont ont profité les familles moins fortunées encore présentes. Mais cela a aussi contribué à élever le niveau des loyers, faisant fuir, du coup, beaucoup de ces familles populaires, rejetées en-dehors de la capitale. Comme quoi, de louable intentions peuvent avoir parfois des conséquences négatives inattendues !
5. Le bobo est écolo et aime le vélo
La bobo a apporté un peu de verdure dans les esprits et dans la capitale. Il est volontiers anti-voiture, et prône les déplacements "responsables" et peu onéreux, qui contribuent à désengorger la capitale d'une circulation automobile endémique. Il aime avoir (si possible) un jardin (chez lui ou la campagne) pour pouvoir exercer ses talents de jardinier en herbe. Son idole en politique pourrait d'ailleurs être l'ancienne ministre de la Justice Christiane Taubira, qui se déplaçait exclusivement en vélo pendant son mandat. C'est ainsi que l'arrivée du Vélib en 2008 a participé de cette réhabilitation du vélo dans la capitale.
6. Le bobo aime le bio
C'est une phrase qui est un peu dur à prononcer, mais elle est vraie ! Depuis quelques années, les commerces bio (Naturalia, Biocoop, La Vie Claire...) se sont multipliés dans la capitale, permettant l'émergence d'un nouveau marché de l'alimentation aux prix largement plus élevés, mais censé favoriser les petits producteurs respectueux des normes environnementales. On y trouve notamment tout un tas de nouveaux produits aux noms exotiques, tels le quinoa, qui peut servir de base au régime sans gluten (très en vogue chez les bobos).
Le paradoxe du bobo, c'est qu'il vit dans une ville hyper urbanisée (et dont les avantages lui profite, tels les bars, les sorties culturelles, ou les technologies les plus avancées), mais qu'il s'imagine volontiers comme un paysan vivant à la campagne près de ses poules. L'utopie propre au bobo, c'est de croire qu'il peut faire de Paris un lieu de nature et de bien-vivre, alors qu'il aurait plus vite faire d'aller habiter à la campagne (ce qui éviterait au passage d'imposer aux autres son propre mode de vie, telle la restriction de l'usage de la voiture, qui pénalise les banlieusards qui veulent venir dans la capitale). Le bobo est un être contradictoire !
7. Le week-end à la campagne
De temps à autres, le bobo part en week-end, pour se purger de tout le gaz carbonique qu'il ingurgite à longueurs de journées, mais il s'évade de préférence à la campagne, dans une vieille ferme bourguignonne retapée, ou dans une hutte mongole installée dans un coin perdu de la Sologne. Car le bobo est adepte d'authenticité : il aime à retrouver la plage cachée sous les pavés, à l'instar de son ancêtre soixante-huitard. Mais il rejette résolument les week-ends dans des lieux sophistiqués et huppés (hôtels 4 étoiles, spas et resorts au Maghreb ou à Saint-Tropez), qui le rapprocheraient trop de son cousin éloigné de la bourgeoisie traditionnelle ou parvenue. C'est grâce à ce genre de petits détails qu'il garde bonne conscience, le bobo !
8. Au-delà du périph', c'est terra incognita
Pas de demi-mesure, pour le bobo. Autant il aime s'évader à la campagne, ou dans un coin perdu du Népal ou de la forêt amazonienne, autant il n'imaginerait pas aller au-delà du périphérique parisien pour découvrir ce qui s'y cache, ou, pire encore, pour aller s'y installer ! L'enfer absolu, pour le bobo, c'est la zone périurbaine, située loin des centres-villes (on ne s'y rend qu'en voiture), et où s'alignent de mornes pavillons tous identiques, sans possibilités de sorties nocturnes (à part le centre commercial du coin).