« J’ai appris à vivre pour ceux qui ne le peuvent plus »
La bataille de mon frère contre le cancer a changé mon regard sur le monde ! Voici pourquoi !
" Je suis en phase 4" m'a dit mon frère, la voix brisée, à travers le téléphone. Les larmes coulaient librement sur mes joues.
Je me souviens très bien de ce jour. C'était en mai de cette année, il pleuvait, et ça convenait particulièrement bien à la situation. Mon cœur faisait du trampoline sur mon estomac.
J'ai pensé : ça n'est pas possible. Que quelqu'un me réveille de ce cauchemar.
Avec deux fils préadolescents, à l'âge de 42 ans, mon frère a entamé le combat contre le cancer colorectal.
En un mois, il avait subi une colostomie, une coloscopie, 4 chimiothérapies et des aller-retours constants chez le docteur.
Mon frère, avant, il marchait droit : maintenant, il marche un peu penché. Il dormait sur le dos, et maintenant, il dort sur le côté. Avant, je l'entendais rire, et maintenant, je l'entends appeler à l'aide.
Il a besoin d'un coussin gonflable pour atténuer la douleur, quand il s’assoit. Et comme peu d'entre nous, il utilise une poche de stomie pour aller aux toilettes.
Je peux surveiller mon frère toute la journée, je peux l'écouter me dire à quel point il a mal, mais est-ce que ça le soulagera ? Non. Est-ce qu'on va se battre quand même ? Bien évidemment.
Au fil du temps, quand j'ai commencé à réévaluer ma vie, les problèmes pour lesquels je me plaignais quotidiennement semblaient de moins en moins importants.
Toute l'agressivité en moi, tout mon mauvais caractère, tout ça devait disparaître.
J'étais là, à me plaindre d'un mélange d'ennuis minimes, alors que mon unique frère souffrait d'une maladie handicapante.
Alors qu'il se plaignait de sa perte d'énergie et de force, je me plaignais d'un week-end un peu trop court.
Je n'attends pas spécialement lundi avec impatience, mais je sais que lui, c'est anxieusement qu'il prie pour voir un autre lundi.
J'ai appris à rejeter la détresse et à rejeter ma haine envers l'injustice de la vie. Parce que c'est ça la vie : les cancers, les week-end trop courts, les fusillades dans les écoles, et les émeutes raciales.
C'est comme ça que je - qu'on - accepte ces défis, car ce qui compte, c'est de s'en remettre et d'apprendre quelque chose.
Si je ne peux pas empêcher ces problèmes de m'atteindre, je sais que je dois les canaliser positivement, de ma façon de les évaluer à ma façon de les régler.
C'est plus facile de râler sur nos problèmes que d'agir contre eux.
Le défi était là : Je veux rejoindre mon frère dans sa bataille contre le cancer. Pour lui, je vivrai ma vie et l'apprécierai autant que je peux.
Je sais que même si mon frère s'est affaibli physiquement, son cœur et son esprit n'ont jamais été aussi forts, et je serai son garde. Il a besoin de toute l'aide possible de sa famille.
Il me faut être fort pour lui. Il faut que j'accepte le mal qui l'envahit, et toutes les autres choses qui me font du mal.
On ne peut pas s'en défaire. On a un seul but, et c'est de s'en sortir.
Mon frère et moi ne nous battons pas contre les mêmes maux, mais on se bat contre le même monstre, celui de la vie.
Les réalistes vous diront qu'on ne peut pas comparer les problèmes de deux personnes différentes. Puisque nous sommes tous différents, les problèmes auxquels on fait face le sont aussi.
Mais cette décision, je la prends pour moi.
La maladie de mon frère m'a appris à apprécier ce que j'avais, et m'a aidé à prendre conscience. Elle m'a appris comment me battre, et quand me battre plus fort.
J'ai grandi, je suis devenu plus positive, j'ai laissé tomber ce qui ne me rendaient pas heureuse, ce qui ne m'apportait rien.
J'ai appris à vivre pour ceux qui ne le peuvent plus.
Beaucoup ont perdu un être cher, et nous nous battons tous contre le même démon, à une date et à un lieu différents, parés d'armures différentes.
Ça fait deux mois depuis mai, et mon frère va de mieux en mieux.
Son diagnostic m'a ouvert les yeux, mais son combat continue à ouvrir mon esprit.