Nous avons tous ressenti un jour ou l'autre le plaisir et même le besoin de recevoir et de prodiguer à l'autre des câlins. Cet acte simple de câliner l'autre se perpétue tout au long de notre vie, depuis les premiers moments de la vie jusqu'à notre vie d'adulte, et au moment de notre mort. Ce besoin de toucher l'autre, de le prendre dans nos bras et de recevoir sa chaleur en échange de la nôtre est un acte élémentaire qui semble à la portée de tout un chacun.
Mais comment expliquer ce qui semble aussi élémentaire que le fait de dormir, de manger ou de faire l'amour ? La neuropsychologue Céline Rivière s'est penchée sur la question et propose une réponse qui se veut scientifique dans son livre La câlinothérapie - Une prescription pour le bonheur, paru aux Editions Michalon. Que faut-il en penser ? N'est-ce là qu'un thème à la mode sans valeur scientifique, ou une authentique thérapie ?
Une tentative d'explication scientifique
Source : kravjeremy.be
Si l'on en croit Cécile Rivière, le plaisir que l'on trouve dans les câlins s'expliquerait par une hormone, l'ocytocine, autrement appelée "l'hormone du bonheur". Il suffit de prendre quelqu'un dans ses bras pendant au moins vingt secondes pour que l'effet se produise. Produite par le cerveau, cette hormone a un effet d’apaisement qui engendre une sensation de bien-être immédiat. Mais elle ne fonctionne que lorsqu’on se trouve dans état de calme et de plénitude. C’est bien évidemment le cas lors d’un câlin, mais cela peut aussi se produire lorsque vous êtes allongé sur une plage au soleil ou quand vous méditez. Cette hormone vient contrecarrer les effets de l’hormone du stress, la cortisone.
Les neurosciences nous éclairent davantage sur le rôle de ce qu'on appelle les neurones miroir. Celles-ci nous conduisent à imiter les actions des autres, telles que le bâillement ou les larmes. C'est la même chose pour les câlins : si je vois quelqu’un arriver vers moi pour me prendre dans ses bras, je vais éprouver de la tendresse et de la bienveillance pour cette personne. Des corpuscules tactiles situées au niveau de la peau envoient un message au coeur pour lui indiquer le bien-être que l’on ressent lorsque l’on est touché. On se sent alors beaucoup plus apaisé. Il n'y a rien de sexuel là dedans : juste quelque chose qui nous rassure et nous fait du bien à l'âme et au corps.
La place des câlins dans notre société
Source : le-journal-catalan.com
Pour autant, il semble que les câlins ne soient pas toujours bien perçus dans notre société. La peur de la réaction de l'autre nous conduit bien souvent à nous abstenir de lui faire un câlin. Ce n’est en effet jamais facile d’aller vers l’autre, car on a toujours le sentiment qu’il peut nous rejeter. Or être rejeté, c’est ce qu’il y a de pire. C’est pour cela qu’il est parfois plus facile de câliner un animal, tel un chien ou un chat, qui ont bien compris l'importance du toucher dans la reconnaissance de l'autre. Ceci pourrait expliquer le rôle que jouent les animaux domestiques dans notre société.
Face à cette résistance aux câlins se sont développées depuis quelques années des campagnes spontanées d'encouragement aux câlins appelées "Free Hugs" (câlins gratuits). Vous avez sans doute déjà vu dans les lieux publics de grandes villes de France (ou d'ailleurs) des porteurs ou porteuses de pancartes invitant les gens à venir se faire prendre dans les bras. Le mouvement Free Hugs est né en 2004 en Australie, lorsqu'un jeune homme, déprimé par le fait de se retrouver seul et étranger dans sa ville natale, brandit un écriteau avec la mention « Câlins gratuits » (en anglais). Le phénomène est par la suite largement popularisé à partir de 2006, à la suite de la diffusion d’une vidéo sur YouTube, conduisant à sa propagation de par le monde.
La "câlinothérapie" : vraie thérapie ou arnaque médiatique ?
Source : stopennui.com
On peut s'interroger de manière critique sur la place de plus en plus envahissante occupée par les câlins dans notre société, aussi bien dans les médias que dans les lieux publics. Tout d'abord la profusion de ces séances collectives de thérapie "câlinesque" s'avère être d'une niaiserie insupportable, destinée surtout aux amateurs nostalgiques et régressifs des Bisounours et de l'âge des couches-culottes. C'est d'ailleurs le sens du slogan défendu par les créateurs du T-Shirt "Free main dans ta gueule", qui ont choisi le catcheur français Pierre Booster Fontaine pour promouvoir leur création lors de la dernière Japan Expo à Paris.
Il est également permis de douter des vertus prétendument miraculeuses que prêtent aux câlins des psychologues plus intéressés par la vente de leurs livres que par la rigueur scientifique. L'extrême médiatisation de l'auteur du livre sur la "câlinothérapie" témoigne de cet engouement de la presse féminine et de la vulgarisation psychologique pour un prétendu remède de grand-mère qui ne coûte rien, mais dont on peine à croire qu'il puisse "rééduquer les autistes", comme l'affirme Céline Rivière dans ses interviews. L'autisme est un handicap grave, de nature génétique, et le caractère superficiel des câlins semble largement surestimer leur effet sur les personnes handicapées.
Sur le plan scientifique, la rhétorique "pro-câlins" surestime du rôle des hormones miroirs évoquées plus haut, présentées comme un facteur explicatif de tous les comportements humains. Ces fabuleux neurones sont censés être à la base de tous nos comportements sociaux touchant aussi bien le langage, les conduites d’imitation et l’apprentissage, que la compréhension d’autrui, l’altruisme, etc. Ils interviendraient aussi en cas de dysfonctions, dans la schizophrénie ou l’autisme, voire dans les troubles de l'érection masculine ! "Ces cellules sont devenues la tarte à la crème de la psychologie", résume, goguenard, le professeur Jean Decety de l'Université de Chicago.
Pour ne parler que de la question de l'autisme, plusieurs études ont montré depuis 2008 que la théorie des «miroirs brisés» censée expliquer ce trouble psycho-moteur, n'était en réalité qu'une hérésie scientifique. En effet, les centaines de patients atteints d’aphasie ou d’apraxie, par suite d’une destruction du système des neurones miroirs, ne deviennent pas autistes pour autant. De plus, toutes les spéculations sur le rôle de ces cellules dans nos comportements viennent d’études menées chez le macaque, incapable de parler ou d’apprécier de la musique. Or le comportement de ces neurones humains diffère de celui de leurs homologues simiens, car les zones du cerveau humain qui s’activent durant l’observation d’une action ne s’activent pas durant son exécution. Or c’est le trait marquant des neurones miroirs du singe !
On peut en conclure qu'on n'a pas attendu la parole des psychologues de bazar et autres neuropsychologues démagogues cherchant à vendre leurs livres pour connaître les bienfaits du contact bienveillant avec le corps des autres ! Quoi de plus naturel que de vouloir étreindre une personne aimée ou sa progéniture ? Cela s'inscrit dans une logique de communication inter-humaines facilement compréhensible : vouloir en inférer un remède miracle à tous les dysfonctionnements ou un rôle central dans tous les rapports humains semble ainsi très exagéré !
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